Quand tout s'éclaire grâce au diagnostic
Née de l'union entre un père violent et une mère dépendante affective, j'ai grandi dans la violence physique et affective. Ma mère a quitté mon père biologique quand j'avais 5 ans et elle a rencontré plusieurs hommes...hommes qu'elle m'imposait, avec leurs enfants, familles. Mais ses relations ne duraient pas. J'ai donc subi plusieurs petits deuils jusqu'à ce qu'elle rencontre l'homme qui est devenu mon père de «cœur». Un homme qui n'avait jamais vraiment voulu avoir des enfants et qui s'y prenait mal pour nous élever, moi et ma petite sœur. Cris, menaces, chantages émotifs, rejets, des coups parfois… Ça teinte une vie de couleurs sombres, de doutes, de peines, de frustrations, de peurs et d'angoisses.
J'ai toujours fait de l'anxiété, mais dans le temps ce mot n'existait pas vraiment, du moins pas dans ma vie. On disait de moi que j'étais une enfant stressée qui réagissait beaucoup trop face à tout. J'ai fini par longer les murs pour ne pas être vue et entendue, de peur de déranger et de faire réagir.
Au secondaire, l'art dramatique est entré dans ma vie par hasard. Un simple concours organisé par l'enseignante de français allait me permettre de monter sur scène. Wow, l'espace d'une courte scène, je pouvais être quelqu'un d'autre! Vous pouvez être sûr que les 3 années qui ont suivi, j'étais inscrite en art dramatique. Quel bonheur de se retrouver dans la peau de personnages! J'ai eu la piqure au point de m'inscrire au programme d'exploration théâtrale au Cégep.
Partir d'une polyvalente ou tu es considéré comme très douée en théâtre et arriver dans un cours où il y a juste ça, des doués, ce fut difficile. Me retrouver dans une ville que je ne connaissais pas, dans une école où je ne connaissais personne, loin de mes repères...je n'ai pas fait long feu. Dès la première semaine de la deuxième session, l'anxiété m'a brisée. À la première session, j'avais pris le temps de me rendre au cégep et de trouver toutes mes classes avant même le début des cours pour ne pas avoir peur de me perdre. Là, on revenait du temps des fêtes, ma famille n'avait pas voulu me ramener plus tôt, j'ai manqué de temps. Rendue au mercredi, au premier cours de production, je me souviens que la prof expliquait le travail de fin de session et que je voyais tout le monde autour de moi les yeux brillants d'excitation, alors que moi, je ne savais pas du tout ce que j'allais faire. J'ai passé le cours à retenir mes larmes. Après ce cours, je devais aller acheter un livre à la Coop. Pas assez d'argent...j'ai paniqué. Je me suis mise à courir jusqu'à mon appartement puis j'ai tout mis tous mes effets personnels dans des sacs de poubelle noirs et j'ai demandé à mon copain de venir me chercher. Je n'ai jamais remis les pieds au cégep. Une crise de panique a signé l'arrêt de mes études. Je ne savais toujours pas que je souffrais d'un trouble d'anxiété généralisé. Je pensais juste être folle, incapable de gérer le stress.
C'est beaucoup plus tard que j'ai eu mon diagnostic, suite à mon premier accouchement et à une grosse dépression post-partum. Enfin, je savais ce que j'avais. Tout s'expliquait...pourquoi j'avais si peur d'aller dans des endroits que je ne connaissais pas, pourquoi j'avais si peur du moindre changement dans ma vie, pourquoi j'avais tendance à abandonner un projet dès le moindre souci.
J'ai appris à vivre avec mon anxiété, à me désamorcer au bout d'une longue thérapie et aidé par la médication.
J'aurais aimé naître 10 ans plus tard et être diagnostiquée beaucoup plus rapidement. La vie aurait sûrement été plus douce. En même temps, je me dis que tout ce que j'ai vécu a forgé la femme que je suis aujourd'hui. À bientôt 40 ans, je peux dire que je suis fière de la femme que je suis.
Virginie.
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