Y'a des jours, je ne suis pas du monde !
Le son de l’alarme m’arrache les tympans. Je grince des dents, j'ai la ferme intention de balancer mon iPhone neuf au bout de mes bras et je capote parce que dans le noir, je ne trouve pas le bouton arrêt pourtant si évident.
Je me lève. Plus de café. Je sacre. La vaisselle de la veille me fatigue. Le ménage pas fait aussi. J’essaie de m’habiller, de me maquiller : rien ne va. J’enrage contre mes vêtements qui me font paraître énorme et mon eye-liner non collaborant. Mon chum se lève, me demande si je vais bien. Je lui balance : « J’ai-tu l’air de ben aller ? » Il reste un moment en silence puis laisse tomber : « T’as l’air irritable… » MOI, IRRITABLE ? Je ne suis pas irritable, je suis ultra, méga, irritable. Mais me le faire dire me propulse une coche au-dessus. Je me mets à crier que ce n’est pas parce que tout me gosse, qu’il est obligé de me le mettre sous le nez.
Car vraiment tout me tape sur les nerfs : Les sons, les bruits, mes perceptions physiques, ma faim constante, mon image corporelle, les manies des gens qui m’entourent, les commentaires intempestifs des autres, les files d’attente, les automobilistes trop lents, ceux trop casse-cous, le petit gars à la table voisine qui chigne, la collègue de bureau qui se vante un peu trop, la lumière qui brûle, l’imprimante qui arrête de fonctionner quand c’est moi qui l’utilise, etc. Et mon chum. Parce qu’il est trop fin, patient et compréhensif. J’ai envie de hurler et que tout le monde fige et se taise. Et même dans le silence le plus absolu, je n’annihilerai jamais la boule qui est coincée dans mon plexus.
Je suis irritable certains jours et pas du monde quand cela se produit. Je n’arrive plus à me concentrer, je transpire, je me sens en colère, je suis aux abois. Et je me mets à japper à la moindre occasion. Quand mon humeur fluctue, mon niveau d’irritabilité aussi. Mon niveau d’anxiété explose ? Mon niveau d’irritabilité suivra la même courbe.
Je hais cette part d’ombre de moi, qui me rend moins bonne petite fille. Même si je sais que ce n’est qu’un symptôme, l’irritabilité me dérange, probablement plus encore qu’elle ne dérange les autres. Parce qu’avant d’éclater au grand jour, elle gronde avant tout en moi et s’active comme un volcan : d’abord tranquillement, puis par jaillissement.
Je ne suis pas toujours comme ça. Et je suis bien plus que ça. Reste que cette condition quand elle arrive est une vraie roche dans mes souliers. À fleur de peau, je m’autoflagelle également. Je m’en veux de ce que je fais subir aux autres. J’ai peur de ce que les autres vont penser de mes sautes d’humeur.
Alors je m’isole un peu, respire profondément, tente de trouver la source de mon irritabilité. Quand il n’y en a pas, je sais que c’est peut-être l’indice d’un retour de la maladie, un système d’alarme qui s’est déclenché pour me réveiller sur quelque chose qui ne va pas dans ma vie. Alors, je ne tâtonne pas pour trouver le bouton arrêt pourtant si évident, je laisse le son me réveiller vers une réponse. Et je prends mon chum dans mes bras.
« Je m’excuse. Je t’aime. »
Il se montre toujours si fin, compréhensif et patient. Je me demande comment il y parvient. Je l'entends me souffler à l'oreille: "parce que je t'aime aussi... " Et je comprends que même mes faiblesses peuvent être acceptées, faudrait peut-être que je les accepte moi aussi.
Chloé C.
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