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Photo du rédacteurVirginie Lambert

Post Partum

Vous savez, le moment où l'on dépose le nouveau-né sur le ventre de maman, c'est supposé être la plus belle des rencontres, le plus grand moment d'une vie et pourtant. Pour moi, ce ne fut pas le cas. Mon premier accouchement s'est passé extrêmement vite. Chanceuse, certaines diront. Moi, je l'ai vécu comme un cauchemar. Tout allait beaucoup trop vite, je n'ai pas eu le temps de comprendre ce qui se passait et on me disait de pousser. J'ai passé les 40 minutes de poussées en état de choc. Mon corps tremblait comme une feuille malmenée par les grands vents, j'avais les yeux fermés et, bien que l'infirmière insistait pour que je les ouvre, j'en étais incapable. Je ne contrôlais plus rien. J'avais mal, mais ce n'est pas le souvenir le plus tangible qui persiste encore après 13 ans, j'étais terrifiée. Je voulais peser sur «reset» et revenir 40 semaines et 6 jours plus tôt. Je ne voulais plus devenir maman. Je voulais pouvoir mettre ce projet sur pause encore quelques années, peut-être même pour toujours. Le 6 septembre 2010, c'est comme ça que je me sentais. Au mauvais endroit, dans le mauvais corps, dans un rôle que je ne voulais plus jouer.


On a déposé cette petite fille hurlant son arrivée sur moi et...rien. Aucun attachement. Ce n'était pas ma fille. L'infirmière a pris mes mains pour que je touche ce petit corps tout chaud. Moi, je voulais qu'on l'enlève de sur moi. Qu'on me fiche la paix et qu'on me laisse dormir. Son papa a fini par la prendre dans ses bras, ENFIN! Cette petite était à lui, pas à moi. Je savais bien que c'est moi qui l'avais portée et accouchée, mais je la voyais vraiment comme étant la fille de mon amoureux, pas la mienne.


C'est horrible quand on y pense, de ne rien ressentir pour la chair de sa chair. Tu as conscience que ce n'est pas normal de se sentir comme tel, mais tu n'y peux rien. Tu ne contrôles plus ta tête, ton cœur, tes pensées...tu te sens comme le pire des monstres.


J'ai vécu dans cet état de détachement total pour cette petite poulette sans défense pendant 10 semaines. Dix longues semaines à me convaincre de ne pas ignorer ou blesser la fille de mon amoureux. Dix semaines à me forcer, à tenter de toutes mes forces à faire disparaître ce monstre en moi. Puis un matin, comme par magie, en allant la chercher dans sa chambre, j'ai eu cet orgasme du cœur, ce trop-plein d'amour qui te chavire pour le restant de ta vie. Elle était tellement belle, souriante... en pleurant, j'ai embrassé tendrement ces belles bajoues. Mon cerveau et mon cœur ont fait un 180 degrés. On est passé du détachement à l'hypervigilance, plus personne d'autre que moi et son papa ne pouvait toucher notre fille. Je ne sortais jamais de la maison avec elle, sauf pour ses rendez-vous de routine chez le médecin et encore, ça me causait tellement d'anxiété. Je notais ses horaires de boire à la minute prêt et si par malheur, elle ne buvait au temps prédit, je paniquais et recommençais mon horaire. Je ne la faisais jamais garder. La première fois qu'elle s'est fait garder, c'est à son entrée en CPE à ses 11 mois. Le vide et la peur que j'ai ressentis en laissant ma fille à une autre, c'était tellement douloureux.


Après 14 mois à me sentir inadéquate, j'ai fini par aller consulter mon médecin. J'étais persuadée qu'elle allait m'enlever ma fille pour ses 10 premières semaines de vie. Elle m'a expliqué que j'avais fait une psychose post-partum, suivi d'une dépression post-partum. Durant ces 14 mois, personnes ne s'est rendu compte de quoi que ce soit. Je n'ai jamais rien dit. J'ai vécu tout ça en secret, dans la honte et la culpabilité. Pour être honnête, ça fait 13 ans que je vis dans la culpabilité. Peut-être qu'un jour, j'arriverai à me pardonner cette tempête d'hormones qui m'aura brisé à l'arrivée de mon premier bébé.


Ce texte, très personnel, je l'écris en toute vulnérabilité pour que toi qui as vécu la même chose tu ne te sentes pas seule. On est plusieurs à l'avoir vécu et pourtant, c'est un sujet tabou. Je l'écris aussi pour toi qui portes la vie. Sache que ça se peut des débuts malheureux, mais ça finit par se replacer et stp, ne fais pas comme moi. Parles-en.


Virginie


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