Syndrome de l'imposteur
Il se cache en moi depuis que je suis enfant le doute de ne pas être à la hauteur. Mais surtout qu’on me démasque et qu’on réalise qu’en fait, je ne suis vraiment pas à la hauteur. Depuis des années, je me sens imposteur.
Je suis de nature anxieuse et ma confiance en moi bat des records de profondeur. Le mélange s’avère explosif dans le développement du syndrome. Je suis comme un million de gens qui réfutent les compliments. Pas par humilité, mais simplement parce que je ne m’en crois pas digne.
J’ai seulement de la chance quand je décroche un nouvel emploi ou une promotion. Je fais seulement mon travail quand on me félicite pour mes projets qui ont une certaine valeur. Quand je regarde mon parcours professionnel, je me remets toujours en question : je n’ai pas réussi grand-chose… je ne faisais que mon boulot… J’ultra normalise : « C’est normal de faire ci, de faire ça… tout le monde aurait fait pareil. »
Une semaine de 35h vs une semaine de 70h ? Du pareil au même… ce n’est jamais assez pour calmer le monstre en moi qui en réclame plus pour se sentir moins mal.
Mais si cela se cantonnait qu’au travail ! Bien non ! Dans ma vie amoureuse, j’ai l’impression que mon conjoint va fatalement s’apercevoir que je ne remplis pas les exigences requises de la parfaite épouse : je ne fais pas assez de ménage, je ne gère pas assez les comptes, je ne lui fais pas assez l’amour… en bref, je suis une mauvaise conjointe… c’est simplement qu’il ne s’en est pas encore aperçu. Il n’y a que moi… qui sait et me tais de peur de le perdre.
En amitié, je n’appelle pas assez mes amis. Il me semble être moins là pour les autres que les autres le sont pour moi. Je devrais en faire plus pour être une amie digne de ce nom. Mon succès en amitié, je le dois simplement au fait que les autres me voient d’une façon trop positive. S’ils savaient !
Avec les membres de ma famille non plus, je ne suis pas celle qu’ils croient que je suis. Je suis plus mesquine et égoïste qu’ils ne le penseront jamais. Et s’ils le découvraient ?
Dans la maladie, je suis doublement, triplement imposteur. Je ne me suis jamais sentie malade, du moins, jamais assez pour qu’on m’accole l’étiquette de la maladie. Peu importe le nombre d’hospitalisations, je ne suis jamais « assez » malade… pour être malade. Il y a tellement de personnes qui vivent des situations pires que la mienne, que je n’arrive pas à me donner le droit de me dire malade. Et ce, même si je suis bardée de diagnostics dont un qui pourrait faire frémir : cancer. Mais non, moi je n’ai jamais fait de chimiothérapie classique donc je ne suis pas assez malade pour un tel diagnostic. Anorexique ? Je n’ai jamais pesé X poids donc je ne suis pas malade. Bipolaire ? Je n’ai jamais fait de manie menant en psychose, donc je ne le suis probablement pas ? Trouble de personnalité… je ne m’y reconnais pas non plus.
Peu importe les sphères de ma vie, une constante persiste : je vis ma vie comme si elle n’était pas la mienne, comme si je marchais à ses côtés. Je suis certaine qu’elle n’est pas en adéquation avec ce qu’elle devrait être. Je ne me donne pas le crédit d’être celle que je suis. Par manque de confiance. Il est peut-être plus facile de conserver le doute de ne pas combler les exigences des sphères de sa vie que d’affronter, de se dire qu’on est bonne et qu’on mérite ce qui nous arrive. Cela est confrontant de se donner du mérite. Cela me fait peur.
Cela est nécessaire.
Pour survivre.
Alors j’arrête. De mettre mon existence en suspens à force de me dire que je ne corresponds pas à celle que je devrais être. Exit le conditionnel. Vivons au présent. Et au présent, je me félicite, je reconnais mes forces comme mes faiblesses et je dis stop au piétinement de l’estime personnelle.
L’imposteur ce n’est pas moi. L’imposteur c’est la voix qui veut me faire croire que je ne suis pas celle qu’il faut.
Je suis et c’est bien suffisant pour vivre en paix.
Chloé C.
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