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L'amnésie traumatique : Je me souviens maintenant

ludivineredactrice

TW : Agression sexuelle

Toute ma vie, je me suis sentie différente. J’ai toujours senti que j’étais en décalage avec les autres. J’ai découvert mon corps beaucoup plus tôt que les enfants de mon âge. Je ressentais énormément de honte par rapport à ça. C’était mon jardin secret. Je n’en ai jamais parlé, jusqu’en 2021.

En septembre 2021, j’ai eu une petite aventure avec un garçon. Après notre première nuit ensemble, il a mis un terme à tout ça. Je me suis sentie utilisée pour mon corps, c’était la fois de trop.


Tout a commencé par des cauchemars, toujours les mêmes. J’étais dans une chaise de bébé et je voyais certains membres de ma famille. Je commençais à avoir de vagues «flashbacks». J’étais déjà suivie par une psychologue depuis un an, nous avons un beau lien thérapeutique. Nous avons commencé à aller fouiller doucement là-dedans. Je lui ai fait part de mes agissements lorsque j’étais enfant. Je lui ai avoué que je commençais à me demander si j’avais été abusée dans mon enfance. Effectivement, les comportements que j’avais à cet âge étaient inhabituels et inquiétants. Et puis un jour, un «flashback» s’est emparé de moi. Je me suis souvenue. C’était très clair. J’ai été abusée lorsque j’avais deux ans.


Alors, j’ai commencé à me renseigner sur l’amnésie traumatique et la beauté du cerveau humain. En résumé, mon cerveau a mis ce douloureux souvenir dans une petite boîte et l’a complètement oublié. C’est un mécanisme de défense pour protéger le corps. Le problème principal, c'est qu’il ne sait pas faire la différence entre oublié un évènement spécifique et plusieurs évènements. Résultat : je n’ai presque aucun souvenir de mon enfance avant 12 ans.


Ce ne sont pas les seuls souvenirs que j’ai perdus. J’ai également oublié des moments dans mon adolescence, des personnes, des visages, des relations que j’ai eues. J’ai perdu des mois de ma vie, en petite boule dans mon lit, en dissociation… Je me sentais prisonnière de mon propre cerveau. Je vivais des «flashbacks» par-dessus «flashback», des crises d’angoisse, des cauchemars… Il avait encore cette emprise sur moi.


Puis un jour, ma grand-mère nous apprend que mon cousin (et agresseur) est malade. Cancer de la prostate, il ne veut pas se soigner. Il va en soins palliatifs. Mélange d’émotions : tristesse, colère, empathie.. J’étais triste parce que dans la trentaine, c’est jeune en maudit pour mourir d’un cancer. J’étais en colère puisque c’est moi qui allais être coincée à vivre avec toutes ces images de violence que j’ai vécue, de sa part à lui. Moi aussi, j’ai voulu mourir, mais c’était sa faute à lui.


Il m’est venu cette folle idée en tête, je devais le voir. J’avais besoin de réponses, je voulais qu’il avoue. Après tout, on peut avoir beaucoup de regrets sur son lit de mort. Après réflexion, je me suis dit que cet acte risquait de me faire plus de dégâts. Je devais le voir et malade en plus, ça faisait beaucoup de reviviscence traumatique. En plus, qu’est-ce qui me garantissait qu’il allait avouer ? Il n’a jamais rien avoué de sa vie. Et puis un jour, ma grand-mère nous a appelé pour nous annoncer son décès.


À partir de ce jour, je n’ai plus jamais eu peur.


J’ai peur de beaucoup de choses dans la vie. Mais ce jour-là, j’ai arrêté d’avoir peur de lui. Je pouvais aller dans la ville qu’il habite sans regarder derrière moi, par crainte de le croiser.


Je fais toujours le saut quand j’entends son nom, lorsque j’entends la musique d’un certain film ou lorsque je rencontre quelqu’un qui me dit « Oh! Tu es la cousine de X? ». Mais, je suis libérée de cette emprise qu’il avait sur moi. J’ai repris le contrôle de mon corps. Je me souviens maintenant, mais je me sens libre.

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CAVAC :Extérieur de Montréal (sans frais) : 1 877 717-5252

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Fondation Marie-Vincent : (514) 362-6226


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